QUATRIEME VERTU PRINCIPALE
DONNER
38ème affluent : Faire la zakat
Le troisième pilier de l'islam est de payer la taxe légale. Le mot zakat signifie purification ; notre être se purifie quand nous nous acquittons de ce devoir de don minimum et que, par là, nous faisons effort pour nous détacher de l'avoir.
Juridiquement le taux de la zakat est fixe ; il est donné en nature et en argent. Dans des circonstances normales de justice, la réinstitution de la zakat comme taxe recueillie par l'Etat et affectée aux dépenses de solidarité et de sécurité sociale pour les démunis suffirait peut-être à combler certains écarts. Mais étant donné l'accumulation séculaire de l'injustice, ces écarts sont tellement grands, les dépenses de l'Etat tellement gonflées que des prélèvements autres que la zakat sont nécessaires. Aucune objection légale à cela.
Une redistribution juste des richesses dans des sociétés gravement déséquilibrées comme les nôtres est la première tâche de l'Etat. Cette redistribution ne peut se faire par les techniques de confiscation de la propriété privée préalable à la planification générale de l'Economie telles que ces techniques sont appliquées dans les pays communistes. Le capitalisme d'Etat n'apporte rien à l'Economie sinon, avec les insuffisances du capitalisme tout court. ses insuffisances propres. L'exploitation des masses laborieuses par la classe bureaucratique qui a le contrôle de la propriété remplace l'exploitation des propriétaire-, capitalistes, l'incurie et les lourdeurs bureaucratiques en plus. Si les Economies communistes ont avancé avec une rapidité relative et ont accompli des réalisations remarquables sur le plan national, ce n'est point par quelque vertu de l'étatisation générale de la' propriété. Malgré les inconvénients graves du gaspillage et de la lourdeur inhérents a la rationalisation bureaucratique, la volonté centrale qui pousse la machine inexorablement en avant sans compter, sans prêter attention à tout ce qui n'est pas le quota de production a permis ce progrès.
L'on peut rationaliser l'Economie et obtenir des résultats sans faire de l'abolition de la propriété le principe fondamental de l'opération. C'est une tentative à faire, le modèle islamique de l'Economie est à construire de toute pièce.
Rien dans la pratique du Prophète et de ses successeurs sages ne s'oppose à une redistribution juste des richesses. Omar Ibn AI Khattab, à la fin de sa vie, remarqua l'écart des fortunes et le déséquilibre apporté à l'égalité première par l'afflux des richesses à la suite des conquêtes. Il nous laissa cette décision comme un legs précieux., comme l'argument décisif contre quiconque s'opposerait au réexamen, à la régularisation de la propriété privée en faveur de ceux qui n'en ont pas. « Si Dieu me prête vie jusqu'à l'an prochain, dit-il, je confisquerai le superflu des riches pour nantir les pauvres ». La sentence de ce saint et clairvoyant homme n'a jamais été mise en exécution. Elle fait pourtant corps avec la sunna du Prophète qui nous a recommandé d'adopter sans restriction la sunna de ses successeurs sages. « Suivez, a-t-il dit, ma sunna et celle des successeurs sages après moi, mordez-y à belles dents ».
La résolution Omarienne ouvre grandes les perspectives de tout remaniement de l'Economie, y compris l'étatisation, à condition expresse que la propriété de l'Etat soit le complément régulateur de la propriété privée, non la règle fondamentale.
Dans les circonstances exceptionnelles que vit la umma islamique, avec les distorsions économiques et sociales à l'intérieur de chaque Etat national et d'un Etat à l'autre, le remaniement de l'Economie et le rééquilibrage de la propriété doivent être résolument entrepris, la survie même de nos sociétés en dépend comme le succès du modèle islamique de gouvernement. A ce sujet un précédent dans la vie du Prophète nous montre comment la propriété privée doit être subordonnée au bien public et déniée si elle ne remplit pas sa fonction sociale. Le Prophète revenait de guerre avec son armée, arrive un combattant affamé à la recherche de nourriture. Le Prophète, ému, s'adressa à ses hommes en ces termes vigoureux : « Quiconque parmi vous, dit-il, possède une monture en trop, qu'il la donne à qui n'en a pas, quiconque a de la nourriture plus qu'il n'en a besoin, qu'il la donne à qui n'en a pas ! » Il énuméra ainsi une grande variété de biens qu'il fallait redistribuer, si bien que les Compagnons comprirent qu'ils n'avaient pas droit, dans les circonstances de guerre qui exigeaient une solidarité totale, de garder le superflu.